mardi 13 octobre 2009

Le centre de rééducation


Mon fils, parvenu à huit sans gros problèmes d'intégration de sa jambe plus courte de sept centimètres, était partant pour engager le traitement mais il voulait absolument, après le séjour à l’hôpital, rentrer à la maison sans passer par la case "centre de rééducation". C'est là-dessus que je me suis battue de toutes mes forces sans pour autant obtenir gain de cause... Mais si c'était à refaire (et comme je m'y préparais pour un deuxième allongement éventuel qui n'a pas été nécessaire) je me battrais encore plus car maintenant je sais que c'est faisable (à la maison) qu'il y a les structures pour mais que simplement les chirurgiens préfèrent suivre tous leurs petits patients au même endroit... C'est pour eux que c'est plus simple... Et aussi, à leur décharge, ils ne connaissent pas a priori les "capacités" des parents pour prendre en charge eux-mêmes à la maison (avec infirmière, kiné, etc...) le déroulement d'un traitement qui peut durer plus d'un an...


Ayant quand même renoncé au « tout à la maison » pour le deuxième allongement quand j’ai vu l’ampleur du problème et la nécessité d’avoir une structure d’accueil pour un traitement « au long cours », j'avais tout prévu, tout organisé : plutôt que de végéter dans un centre en « pensionnat » loin de sa famille, l'enfant, qui aurait alors eu treize ans et non plus huit, devait se rendre chaque jour en VSL (véhicule sanitaire léger) dans un centre très proche de chez nous et pas à 50 km comme pour le premier allongement... afin d’y recevoir les soins et kiné ainsi que suivre sa scolarité (allégée), et rentrer chaque soir à la maison. Cela n'a pas été utile car à la dernière visite annuelle, le chirurgien a décidé qu'un deuxième allongement n'était pas nécessaire.

Pour le premier allongement, le chirurgien, voyant nos réticences à envoyer notre fils loin de la maison pendant des mois, avait simplement répondu « Mais non, à la maison ce sera trop dur pour vous et vous allez surprotéger votre enfant : le traitement n’avancera pas. » Mais il n’avait pas envisagé avec nous une autre solution, à mi-chemin : ni entièrement à la maison, ni totalement au centre de rééducation (y compris la nuit où, franchement, il ne s’y passe rien du point de vue du « traitement » sauf des crises d’angoisse pour l’enfant du fait d’être loin des siens…).

Quelque part, pourtant, le chirurgien avait raison quand il disait que pour les parents, c’est très dur de faire suivre seuls à l’enfant son traitement à la maison. Il faut être entièrement disponible, parfois pendant une très longue période et avoir envie de s'en occuper soi-même, adapter la maison, prévoir des aménagements importants, faire face aux crises causées par la douleur, réagir devant une infection de broches… Bref, il vaut mieux avoir des partenaires efficaces avec soi et ceux-ci, on ne les trouve que dans les centres… Pour autant, cela ne veut pas dire « abandonner » son enfant dans un centre où en une journée (je ne parle même pas de la nuit…) il ne se passe rien et où seulement deux heures sont réellement utiles aux soins, rééducation et suivi médical…Ce dont mon fils a beaucoup souffert, plus que de la douleur physique, c’est de l’ennui.

L’autre difficulté pour les parents si l’on considère qu’ils prennent eux-mêmes en partie le suivi de l’enfant à la maison, c’est qu’il ne faut pas « oublier » d’être ferme car souvent l'enfant, avec vous, peut ne pas avoir envie de refaire ses pansements de broches régulièrement, tourner chaque jour les mollettes de son appareil, faire ses exercices de kiné. Bien sûr, c'est plus facile avec un enfant de treize ans qu'avec un petit de cinq, sept ans... mais en général, nous, les parents, sommes moins bien placés pour gérer l’enfant dans ces périodes si difficiles. Souvent, j’appréciais que mon fils qui renâclait à faire quelque chose de pénible à la maison pour son traitement, se souvienne de « ce qu’avait dit le chirurgien » (qu’il admirait beaucoup) et bon gré mal gré, il finissait par faire ce que je lui demandais…Ce n’était pas « pour moi » (pour faire ce que je lui demandais) c’était « pour lui » et parce que le chirurgien lui avait bien expliqué que la réussite du traitement dépendait de lui avant tout.

C’est difficile un tel traitement, il faut de la part de l’enfant, une certaine maturité. Donc il faut savoir retarder et attendre tout en sachant que plus tard, il y aura les questions liées à l'adolescence, le regard des autres, les transformations du corps et surtout l'école qu'il est plus embêtant de manquer à 11-13 ans qu'à 7-9... Trouver le juste équilibre donc, ni trop tôt, ni trop tard : c'est aussi avec ça que doivent "jouer" les chirurgiens. Alors pour nous, parents, je dirais : confiance totale concernant le médical et "droit d'ingérence" à fond concernant l'organisation du traitement, ses conditions, sa localisation.


J'ai fait 100kms par jour pendant quatre mois pour aller voir mon fils tous les jours dans son centre et je sais que ça, ce n'est ni normal ni obligatoire...On aurait pu faire autrement et si j'ai obtenu qu'après quatre mois il rentre chaque soir à la maison, je peux témoigner que c'est par mon insistance et non par la volonté du centre et du chirurgien... Il serait resté un an là-dedans, sans quoi...Dans un lieu où nous, sa famille, serions allés le voir "le mercredi et le dimanche"... Je n’ose imaginer les dégâts plus tard sur le plan psychologique…

Mais revenons à l’après de l’intervention.

Tout le monde est pris dans la tourmente et les questions affluent. Comment toute la famille va devoir vivre mais surtout l'enfant lui-même ? Mon fil n'avait jusqu'alors jamais quitté la maison sauf pour aller en classe de découverte et je m'inquiétais beaucoup pour l'éloignement : cinq jours à l'hôpital proprement dit et quatre mois comme interne dans un centre de rééducation puis presque un an dans ce centre en hôpital de jour!... On me disait que « tout se passerait bien ». Dans l'ensemble oui, cela s'est bien passé mais dès le départ il a fallu que je signale que je n'avais pas l'intention de le laisser entre leurs mains avec seulement visite le mercredi et le dimanche. J'ai dû imposer ma présence tous les jours et finalement l'enfant a accepté son sort et fait de gros progrès rapidement (beaucoup plus rapides que si je l'avais laissé "végéter" dans ce centre et déprimer... même le chirurgien l'a reconnu après-coup...) Il faut être déterminé (et très organisé) pour que le petit n'en garde pas de traces indélébiles plus tard car le traitement est long et parfois douloureux et il faut une présence aimante et quotidienne pour le supporter, quoiqu'on vous dise... La famille est en stand by pendant ce temps, les frères et soeurs doivent se débrouiller seuls plus ou moins... La scolarité ne pose pas problème car c'est une chose que ces centres contrôlent et assurent assez bien. Mais je le répète, l'enfant en plus d'être "handicapé" et souffrir de maux physiques ne doit pas souffrir de maux affectifs et risquer de déprimer... Il faut beaucoup l'entourer et ne pas compter sur l'institution pour le faire...

Maintenant mon fils est adulte : né avec un centimètre d'écart entre les deux jambes qui sont devenus 7 cm à 7 ans, il a récupéré 8 cm par un premier allongement (le chirurgien a voulu lui donner « un centimètre d’avance ») et à l'adolescence, il n'avait plus que 2,6 d'écart (ça s'était redécalé avec la croissance) En totalité, si on n'avait rien fait à l'heure actuelle, il aurait 13 cm d'écart entre les deux jambes et là, après allongement, il n'a que 2,8 cm. Donc le jeu en valait bien la chandelle et j'encourage toutes les mamans dont le petit bébé a ce problème, à voir les choses avec optimisme car aujourd'hui il est bien traité et le résultat est fantastique...














« Récupérer » huit centimètres en quatre mois qui s’étaient « perdus » en sept ans (depuis la naissance), c’est une belle victoire, non ?


















12 commentaires:

  1. Il y a une question que j'ai peu abordée et qui pourtant est fondamentale : celle de la question du traitement de la douleur. En 98 en France on en était encore au tout début d'une réelle prise en charge de celle-ci notamment en ce qui concerne les enfants. Il n'y avait pas encore de pompes à morphine permettant aux enfants assez grands de régler eux-mêmes, en fonction de la douleur ressentie, son soulagement et il fallait attendre (longtemps parfois) la venue de l'anesthésiste seul habilité à en remettre une dose quand celle prescrite n'était pas suffisante. Au bout de 5 jours à l'hôpital juste après l'intervention de toute manière on était transféré au centre de rééducation où là d'un seul coup toute morphine était proscrite n'étant plus soi-disant nécessaire et l'on se retrouvait à voir donner à son enfant s'il souffrait un demi Doliprane (!)Pour ma part je trouvais ça lamentable et je me suis battue (en vain) pour tenter de faire changer les choses. A tout le moins, j'ai réussi à négocier avec le médecin la subtitution du Doliprane par de l'aspirine (Catalgine 0,25 qui n'existe plus d'ailleurs) qui marchait mieux sur mon fils.
    Les mentalités, les règlements, les habitudes allaient à l'encontre de ce combat qu'on prenait pour une bataille de mère-poule qui veut protéger son enfant ou en tout cas ne supporte pas de le voir souffrir. Très vite, en plus du Doliprane (inefficace), il fallut aussi commencer la couverture antibiotique pour éviter l'infection de broches. Trois cachets énormes d'Augmentin répartis sur la journée que l'enfant douloureux devait péniblement avaler (pas de conditionnement à l'époque prévu pour les enfants...)Après quelques mois en discutant avec son médecin j'ai réussi à obtenir qu'on diminue la posologie quotidienne, pour arriver à une seule prise par jour au bout de 4 mois. Mais mon erreur, quand l'allongement fut terminé et abordée la phase de la consolidation du nouvel os, fut, à son retour à la maison, d'arrêter les antibiotiques. Bien mal m'en a pris : trois jours après une infection de broches est apparue causant des douleurs fulgurantes, nuit et jour.Le chirurgien, consulté par téléphone, l'a immédiatement remis sous antibiotiques et j'ai regretté mon initiative...
    J'ose espérer que les choses en dix ans ont évolué et qu'on n'en est plus à nier la douleur comme on l'était alors. Que des phrases comme "il n'a pas mal là, il a peur d'avoir mal" ne sont plus dites" ou "il pleure parce que vous êtes là" etc...

    RépondreSupprimer
  2. Après avoir vu le docteur du centre de rééducation, la décision est prise, je m'arrête totalement de travailler pendant 1 mois et demi, et après je passe à mi-temps, voir arrêt total si le besoin s'en fait sentir. Cela me permettra d'aller au centre tous les jours.
    Donc pour faire simple, le médecin nous a confirmé pas mal de choses :
    - 3 ou 4 cm à récupérer, çà reste simple, au delà, cela est très douloureux, même avec traitement (sensation de travailler sur d'énormes courbatures)
    - que Noah en aurait, à peu près, pour 90 jours d'allongement, et que seulement après, il pourra rentrer une journée par week-end à la maison.
    - que le temps moyen de pose du fixateur est de 30 jours par cm récupéré, soit pour nous 270 jours !
    - que si tout se passe bien, Noah pourrait réintégrer l'école avec son fixateur, avec kiné et infirmière à domicile, au bout de 6 mois...


    On nous a dit que Noah rentrerai sûrement une semaine à la maison après la pose du fixateur avant d'aller au centre, si c'est le cas, il faut réclamer une infirmière, hors de question de le faire souffrir nous même en nettoyant les broches...

    Je vous fais un petit topo sur les aides dans la rubrique du même nom.

    Et donc pour nous l'aventure commencera le 09/09, donc on va profiter un max des vacances !

    Vanessa

    RépondreSupprimer
  3. Ah super! ce sont de bonnes nouvelles! et 4 cm ça va aller tout seul ou presque... Tout est à diviser par deux par rapport à mon fils (qui devait par ce même traitement récupérer 8 cm) donc 2 fois moins de temps, de douleur et d'ennui... en plus il aura sa maman auprès de lui... Génial, je suis contente que les choses aient un peu évolué en 16 ans... et qu'on tienne enfin compte de la qualité de vie durant le traitement pour l'enfant et sa famille.

    RépondreSupprimer
  4. ah oui ce serait super s'il n'avait QUE 4 cm... mais il y a bien 9 cm de différence. Je voulais juste dire qu'au delà de 3-4 cm, çà commence à faire mal..
    Vanessa

    RépondreSupprimer
  5. Ah oui excuse-moi je n'avais pas bien compris... (je me demandais d'ailleurs où étaient passés les 4 autres centimètres à récupérer...) Mais tu verras, même si c'est un peu plus difficile pour les 4 derniers centimètres ça se fait aussi très bien et après on est tranquille, pour la vie...

    RépondreSupprimer
  6. Alors c'est vrai que pour des parents il est difficile de concevoir que l'on soit obligé de laisser son enfant dans un centre de rééducation jour et nuit. Cependant, vu l'expérience que nous vivons aujourd'hui, je dirai que pour l'instant, pour nous, c'est nécessaire, la rééducation et les soins de broches sont très importants et se répètent plusieurs fois par jour. Il y a aussi toute la gestion de la douleur... Ce serait par contre plus facile a accepter si notre fils était près de chez nous, si l'on pouvait venir le voir n'importe quand. Il est à plus de 120 km aller-retour de notre domicile. Nous avons dû faire un choix, j'ai la chance de le voir tous les jours pour l'instant car j'ai pris un congé, ce n'est pas le cas de son papa, ni de sa petite soeur.... L'éloignement est difficile à gérer.
    Pour ce qui est des soins, j'ai décidé pour l'instant de m'éclipser quand l'infirmière arrive, en général il se laisse mieux faire. Pour la rééducation, nous n'avons pas le droit de voir comment cela se passe, par respect pour les autres enfants qui seraient dans la salle et qui n'ont pas la chance d'avoir leurs parents près d'eux, ce qui arrive le plus souvent... Il me raconte en attendant de voir les résultats...
    Heureusement que nous arrivons chaque week-end à nous trouver une chambre près du centre pour passer nos journées entières avec lui car au centre, il n'y a pas d'école, pas de kyné pour lui pour l'instant, et encore moins d'éducatrice. Ce qui me fend le coeur, c'est de voir ces couloirs vident avec dans quelques chambres ces enfants que personnes ne vient voir et qui n'ont d'autres choix que de regarder la tv....

    RépondreSupprimer
  7. Nous suivons avec intérêt les progrès de Noah et la grande aventure que toute la petite famille vit. Merci de ton témoignage Vanessa, il peut être utile pour beaucoup de parents qui vivent, auront à vivre (ou ont vécu!)une telle expérience. Gros bisous à Noah, Supernoun!

    RépondreSupprimer
  8. Il est émouvant de vous lire en sachant que dans quelques années nous vivrons une épreuve similaire. Olivia ma fille n'a que 7 mois et demi mais malgré son jeune âge je ne peux pas m'empêcher de me sentir prochainement concerner, je commence déja à ne pas savoir comment la chausser. Le froid arrive et elle perd constamment sa chaussette sans parler d'éventuel chausson. Jusqu'à présent nous pouvions tenter "d'occulter sa malformation" car aucun problème matériel ne se posait à nous. J'ai le sentiment qu'aujourd'hui on amorce seulement le début de cette longue épreuve qui est malheureusement tout d'abord celle d'Olivia.
    J'espère que tout se passe pour le mieux de votre côté. Noah a de la chance de vous avoir auprès de lui, le moral c'est primordial. Accrochez vous !

    RépondreSupprimer
  9. tout se passe très bien, Noah a pris plus de 5 cm et n'a pas vraiment de douleur... Le seul problème pour lui est le port du corset qui lui est très désagréable et ceci 4 h par jour mais sinon tout va bien.
    Il n'a même pas d'anti-douleur, reçoit juste 3 fois par jour antibio et anti-inflamatoires au cas où il ferait à nouveau des infections mais c'est tout !

    RépondreSupprimer
  10. çà y est, Noah a pu rentrer pour le week-end ! L'allongement est terminé depuis plus de 10 jours et tout va bien. La semaine prochaine, on retire la partie basse du fixateur, sur le tibia !!!!

    RépondreSupprimer
  11. Une nouvelle année et une grande étape de franchie. Mes meilleurs voeux pour 2011 ET UNE JAMBE LIBRE ! Les résultats semblent plutôt rapide : 6 mois d'allongement si je comprend bien pour combien de cm de gagner ? De notre côté, je suis entrain de faire une semelle pour les premiers chaussons d'Olivia : pas évident bien sur avec une jambe plus court de 2cms et un petit pied pointure 18 au lieu 20; c'est une podologue qui la prépare, je suis sceptique, elle fait ça pour la première fois sur un bébé...

    RépondreSupprimer
  12. Alors l'allongement à durée environ 3 mois et Noah a gagné 7 cm. Nous avons stoppé l'allongement il y a un peu moins d'un mois. Tout va très bien, il va tellement bien qu'il s'improvise tuteur auprès des petits nouveaux du centre, et plus particulièrement de ceux qui viennent de subir un allongement comme lui. Il les réconforte, leur dit qu'au début c'est difficile mais que très vite, ils vont se rendre compte des résultats de cette opération. Il les incite même à prendre leurs médicaments alors que lui même ne veut pas en prendre.... Ils seront bientôt 7 à avoir subi cette opération en moins de 4 mois. Quant on a été seul pendant des années, çà fait bizarre de croiser des enfants comme lui dans tous les couloirs !!!! Ils se soutiennent, et prennent soin les uns des autres. Certains pleurent même et ne veulent pas quitter leurs copains lorsqu'il faut rentrer définitivement à la maison. C'est une sacrée école de la vie.
    Pour Szpala, Noah devait avoir au moins 3.5 cm de différence quand il a commencé à marcher, on lui avait mis une semelle à l'extérieur d'un chausson et en moins d'un mois, il est passé du stade "commando, je rampe comme un vers de terre", à la marche. Il avait 22 mois. Si çà ne vous convient pas, dites le lui, ou faites comme nous, allez voir un podo-orthésiste.

    RépondreSupprimer